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E comme "estime de soi"

Comment éviter que le sentiment de sa valeur en prenne un coup en vieillissant ? Si l'estime de soi peut vaciller avec les années, plusieurs stratégies d'adaptation existent. Parmi elles, l'illusion positive. Et si faire une place au vieux ou à la vieille qui sommeille en nous était une clé pour nourrir le sentiment de sa valeur, quel que soit son âge ?


Self love self esteem estime de soi coeur
Photo by Amy Shamblen on Unsplash

Avez-vous tendance à vous rajeunir ? A vous sentir plus jeune que votre âge réel ou à soustraire du compteur quelques années quand on vous demande quel âge vous avez ? Si la réponse est "oui", pas d’inquiétude ! Ce phénomène porte un nom : le biais de rajeunissement, une tendance à se rajeunir qui s’observe dès 25 ans et qui semblerait s’amplifier avec l’âge. Personnellement, j’ai beau avoir bientôt 32 ans, dans ma tête je pense toujours que j’en ai 27 !


La prochaine étape, vous la connaissez : un jour vous atteignez l’âge qui correspond aujourd’hui pour vous à l’entrée dans la vieillesse, disons 69 ans comme la plupart des Français, mais quand on vous interpelle sur le sujet vous vous scandalisez comme la reine Elizabeth II en expliquant que vous n’êtes absolument pas "vieux" ni "vieille"¹. Comment l’expliquer ? Pourquoi est-ce si difficile au fur et à mesure qu’on avance dans la vie de coïncider avec son âge ?


Illusions chéries


On sait aujourd’hui qu’il s’agit d’une "illusion positive"² à laquelle nous avons recours pour lutter contre les stéréotypes négatifs sur la vieillesse. Professeure à l’Université d’Ottawa spécialisée sur l’âgisme et les relations intergénérationnelles, Martine Lagacé explique que "l'âge subjectif peut jouer un rôle tampon face à la menace d'être la cible de stéréotypes négatifs fondés sur l'âge"³. Ce phénomène se développerait donc "en réponse à une vision péjorative de l’avancée en âge". Comme une stratégie pour déjouer le sort et conserver une estime de soi correcte. Mais au fait, qu’est-ce que l’estime de soi ?



Souvenez-vous de la pyramide de Maslow, qui séquence nos besoins en 5 paliers. En bas, les besoins élémentaires : boire, manger, respirer, être en sécurité…. Plus haut, les besoins d’appartenance et d’amour, d’estime ou de reconnaissance et enfin, d’accomplissement de soi. En suivant ce schéma, on pourrait considérer l’estime de soi définie comme la valeur que se donne une personne d’elle-même comme un besoin essentiel de tout être humain.


Qu’on partage ou pas la vision de Maslow, l’estime de soi mérite notre attention : en tant que composante de notre santé mentale, elle influence directement notre bien-aimé bien-être. C'est dire son importance ! Or si avoir une bonne estime de soi peut s’avérer difficile pour tout le monde, quel que soit l’âge, le vieillissement complique la donne.


Tout se transforme


Car qui dit vieillissement, dit pertes ou du moins, transformations. Qu’on se le dise, vieillir est d’abord un gain puisque ce processus vital nous donne accès à ce qui est peut-être la plus précieuse des ressources : le temps. La contrepartie des années en plus ? Des pertes de revenus, de capacités physiques voire psychiques, de proches ou d’amis… Perte de rôles sociaux aussi, en particulier au moment de la retraite, quand on passe du statut d’actif.ve à celui de retraité.e.

Il n’est jamais trop tard pour découvrir son potentiel et sa valeur… si tant est qu’on s’y autorise !

Une autre transformation intervient quand les enfants si on en a eus, prennent leur envol, conduisant les parents à se désengager de ce rôle pour en réinvestir potentiellement un autre à travers la grand-parentalité, en commençant une nouvelle activité ou en développant d’autres facettes de leur personnalité, que les contraintes de la vie professionnelle et/ou familiale n’auraient pas permis d’explorer.


Car il n’y a pas de fatalité et qui dit baisse de l’estime de soi ne dit pas baisse définitive : "au moment où la personne peut s'adonner à autre chose qu'aux activités liées au travail, à l'éducation des enfants, etc., elle peut se découvrir d'autres talents dont elle ignorait même l'existence jusque-là. Ce sont là autant d'occasion de continuer de se valoriser". Il n’est jamais trop tard pour découvrir son potentiel et sa valeur… si tant est qu’on s’y autorise !


Certaines recherches vont plus loin, en soulignant que le vieillissement pourrait avoir un effet bénéfique sur l’acceptation de soi et donc sur l’estime de soi, en diminuant "les processus de comparaison sociale" qui nous sont si nuisibles – merci Insta !


Un barrage contre l’âgisme


Plus que de pertes définitives, vieillir serait une affaire de résilience. Sans pour autant sous-estimer les facteurs socio-économiques et physiologiques qui influencent notre manière d’avancer en âge, celle-ci dépend largement "des comportements choisis librement par un individu pour s’adapter aux changements consécutifs à son vieillissement". L’illusion positive et le déni de sa propre vieillesse sont d’ailleurs des stratégies de coping efficaces face à la dévalorisation sociétale dont les "vieux" et les "vieilles" font l’objet.



Car au-delà des pertes et des transformations réelles qui accompagnent le vieillissement, les stéréotypes négatifs sur la vieillesse peuvent être un facteur aggravant. Une étude a ainsi mis en évidence l’association entre la perception de stéréotypes négatifs à l’encontre des âgés et une faible estime de soi : "les personnes percevant l’âgisme, c’est-à-dire une image sociétale des âgés négative, montrent des scores d’estime de soi inférieurs", constatent les auteurs de l’étude.


Comment éviter que l’âgisme ambiant influence négativement le sentiment de notre valeur en vieillissant ? Limiter l’exposition à ces stéréotypes est une partie de la solution. Cela dit, cette solution s’avère difficile à appliquer dans la mesure où l’âgisme est présent à peu près partout : dans nos relations interpersonnelles, au travail, dans les institutions dont nous dépendons, dans les médias, la publicité et plus largement sur nos écrans. Être conscients de ces stéréotypes et de leurs canaux de diffusion est un puissant remède face à ce que le psychiatre et gériatre Olivier de Ladoucette appelle le "prêt-à-penser anti-âge".


Révèle la vieille (ou le vieux) en toi


De ce point de vue, il y a urgence à trouver des alternatives à la télévision comme passe-temps privilégié des plus âgés¹¹, surtout quand on sait que les risques d’invalidité augmentent avec le temps passé devant l’écran¹². Remplacer la télévision par des sorties quand c’est possible ou par du lien social en s’aidant si nécessaire de jeux comme 2 minutes ensemble, est un plan B à la portée des personnes concernées mais aussi des aidants, bénévoles et/ou professionnels qui le cas échéant, les accompagnent.


Le meilleur moyen d’éviter que le vieillissement et les stéréotypes négatifs sur les vieux affectent notre estime de nous-mêmes est peut-être encore de s’interroger sur ce qui fait que nous nous donnons de la valeur : nos relations aux autres ? Notre participation à des activités valorisantes ? Nos succès petits et grands ? Ou encore la conscience de ce que la philosophe et psychanalyste Cynthia Fleury appelle notre "irremplaçabilité" (eh oui, vous êtes irremplaçables !) ?


Travailler à ce que chaque jour nourrisse un peu plus le sentiment de notre valeur peut être une clé pour cheminer vers notre moi futur. Et vous, comment nourrissez-vous la self esteem de la vieille ou du vieux qui sommeille en vous ?


Avis à vos commentaires et témoignages, quel que soit votre âge :)



Sources :


¹ "Elizabeth II, ne se sentant pas concernée, refuse un prix pour personnes âgées", Octobre 2021, Libération [en ligne]. https://www.liberation.fr/international/europe/elizabeth-ii-ne-se-sentant-pas-concernee-refuse-un-prix-pour-personnes-agees-20211019_36FMJ6MBANCZFLYYDMOYOGBLDE/ [consulté le 14 décembre 2021].


² Myriam Noel, "La perception de soi au cours du vieillissement : approche normale et pathologique à travers l’étude de la chute", Médecine humaine et pathologie, Université du Droit et de la Santé – Lille II, 2012, p. 53. https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00754972/document [consulté le 14 décembre 2021].


³ Martine Lagacé, Najat Firzly, “Who’s “Really” Old?: Addressing Shifting Targets of Ageism through Intragroup and Intergroup Perceptions of Aging”, University of Ottawa, Canada. https://www.researchgate.net/publication/317201255_Who's_Really_Old_Addressing_Shifting_Targets_of_Ageism_through_Intragroup_and_Intergroup_Perceptions_of_Aging [consulté le 14 décembre 2021].


⁴ Myriam Noel, op. cit., p. 61.


⁵ "Les composantes de l'estime de soi", Pr René L'Écuyer, Université de Sherbrooke, Colloque de Castres, Juin 2000. http://papidoc.chic-cm.fr/12EstimeSoi.pdf [consulté le 14 décembre 2021].


⁶ Macia Enguerran, Chapuis-Lucciani Nicole, Boëtsch Gilles, "Stéréotypes liés à l'âge, estime de soi et santé perçue", Sciences sociales et santé, 2007/3 (Vol. 25), p. 79-106. https://www.cairn.info/revue-sciences-sociales-et-sante-2007-3-page-79.htm [consulté le 14 décembre 2021].


⁷ Olivier de Ladoucette, "Bien-être et santé mentale : des atouts indispensables pour bien vieillir", Mars 2011, p. 13. https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_Bien-etre_et_sante_mentale_des_atouts_indispensables_pour_bien_vieillir.pdf [consulté le 14 décembre 2021].


⁸ Macia Enguerran, Chapuis-Lucciani Nicole, Boëtsch Gilles, op. cit.


⁹ Olivier de Ladoucette, op. cit., p. 17.


¹¹ Plus d’un quart des 70 ans et plus passent entre 15 et 21 heures par semaine à regarder la télévision contre 20% de l’ensemble de la population ; les 60 à 69 ans et les 70 ans et plus sont proportionnellement les plus représentés parmi ceux qui regardent la télévision plus de 35 heures (respectivement 16% et 19% contre 10% de l’ensemble de la population) d’après l’édition 2021 du Baromètre du numérique. https://www.credoc.fr/publications/barometre-du-numerique-edition-2021 [consulté le 14 décembre 2021].


¹² "Après 50 ans, la télévision augmente le risque d’invalidité", Ouest France, septembre 2017. https://www.ouest-france.fr/sante/seniors-apres-50-ans-la-television-augmente-le-risque-d-invalidite-5224503 [consulté le 14 décembre 2021].

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2 Yorum


katerina
katerina
16 Ara 2021

Oui tu as raison, un des articles dont je me suis inspirée pour le post explique que "les femmes, les personnes institutionnalisées et les personnes dépendantes montrent de moins bons scores d’estime de soi que, respectivement, les hommes, les personnes vivant à domicile et les personnes autonomes". Quand à savoir ce qui est lié directement à la dépendance et ce qui est lié au regard porté sur les personnes dites "dépendantes"...

Beğen

anne zavan
anne zavan
16 Ara 2021

Il me semble qu'il est difficile de conserver l'estime de soi quand on voit ses capacités diminuer au point de ne plus être capable de faire des choses élémentaires. On a beau dire à la personne que c'est le résultat de la vieillesse en général...

Beğen
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