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Grand-mère avant l'heure, femme avant tout

Dernière mise à jour : 9 mars 2022

L'image d'Epinal de la mamie gâteau façon Mamie Nova a fait son temps. Pourtant, les représentations s'actualisent lentement. C'est ce dont Nathalie* s'agace, elle qui est devenue grand-mère plus tôt que la moyenne. Et si les nouveaux visages de la grand-maternité telle que l'incarne Nathalie nous invitaient à faire valser quelques clichés ?


vieille femme grand-mère
De "grand-mère" à "vieille", il n'y a qu'un pas. Crédits : Freepik

"Il faut voir les réactions que j’ai reçues quand j’ai partagé autour de moi les premières photos avec ma petite-fille", s’exclame Nathalie* preuve à l’appui, son portable à la main. "‘Ah, la grand-mère !’. C’était comme si on me disait : ‘ça y est, tu n’es plus baisable’", me confie-t-elle, dépitée. Grand-mère depuis à peine un mois au moment de notre entretien, Nathalie n’y va pas par quatre chemins.


Metteure en scène, cette femme pleine de projets n’a rien de la grand-mère telle qu’on se la représente d’habitude. Son grand chapeau laisse deviner une femme sûre d’elle, prête à conquérir le monde et à croquer la vie à pleines dents. N’en déplaise à ceux qui aimeraient la voir hors-jeu. Il faut dire que Nathalie est devenue grand-mère particulièrement tôt, à 43 ans.


Grands-parents sur le tard


43 ans, c’est 11 ans de moins que la plupart des femmes. En France, on devient première fois grand-mère en moyenne à 54 ans, deux ans avant les hommes. La tendance est à la grand-parentalité tardive. En cause : l’allongement de l’espérance de vie depuis les années 1950 et le recul de l’âge de la maternité - 30,8 ans en 2020 contre 29,3 ans vingt ans plus tôt. Autrement dit, on devient parent et grand-parent de plus en plus tard.


Tandis qu’à 40 ans, seulement 1% des personnes ont connu la naissance d’un petit-enfant, cette proportion augmente pour atteindre la moitié des personnes à 56 ans et les trois quarts à 65 ans. La proportion de grands-parents culmine à 80% à 70 ans, un âge qui correspond à l’idée que les Français se font de la vieillesse. Ils estiment en effet qu’on est considéré comme vieux à partir de 69 ans. Mais cela suffit-il à expliquer le ressenti de Nathalie, étiquetée "mémère" parce que grand-mère ?


Actualiser nos représentations


Au-delà des chiffres, il y a fort à parier que nos représentations y sont pour quelque chose. Interrogé sur le sujet, le sociologue François de Singly souligne que "le fait de devenir grand-mère fait basculer dans une nouvelle classe d’âge". Comme si automatiquement, ce nouveau rôle catapultait dans la vieillesse. De "grand-parent" à "vieux", il n’y a qu’un pas ! "Dans une société comme celle d’aujourd’hui où il faut plutôt paraître dix ans de moins, devenir grand-mère ajoute dix ans. Les gens vous donnent l’âge du rôle", explique-t-il. Quitte à passer à côté de la réalité…


Et Nathalie, dans tout ça ? Loin de la Mamie Nova lisse ancrée dans nos imaginaires, les grands-mères encore actives comme elle doivent jongler avec plusieurs casquettes et identités : celles de professionnelle, de mère, de fille, d’amante et/ou de conjointe… Situation caractéristique de la génération sandwich, prise en étau entre les générations qui précèdent et succèdent. Nathalie le reconnaît : "tu ne peux pas subvenir aux besoins de la terre entière". Elle qui apporte un soutien financier à son fils et accompagne sa mère, fragilisée par le décès de son mari, n’en a pas moins envie de vivre. Comment ne pas la comprendre ?


Pour beaucoup de femmes, une nouvelle étape commence une fois que leurs enfants, si elles en ont eu, quittent le foyer. Une liberté retrouvée que la grand-maternité peut venir perturber, surtout quand celle-ci arrive tôt. D’autant plus que, autant il est possible de choisir quand on devient mère et si on le devient, autant on ne choisit pas le moment où on devient grand-mère. "On n’est grands-parents que du bon vouloir de nos enfants" rappelle Sophie de la Boutresse, écoutante pour la ligne Allô grands-parents de l’École des grands-parents européens (EGPE). Dès lors, comment jouer ce nouveau rôle sans négliger les autres ni se négliger soi ?


"Trouver le temps"


La réponse de la psychologue clinicienne Béatrice Copper Royer est claire : "si on ne libère pas de temps, le lien avec les petits-enfants ne se crée pas", insiste-t-elle. La psychologue sait de quoi elle parle, puisqu’elle est également grand-mère.


Libérer du temps : c’est ce que n’a pas manqué de faire Catherine. Elle a 51 ans quand sa fille lui annonce sa grossesse. A ce moment de sa vie, elle travaille en libérale dans un cabinet médical. Pour elle, l’équation est plutôt simple : "il suffisait que je ne mette pas de rendez-vous certains jours pour dégager du temps".


Deux demi-journées par semaine, le lundi et le mercredi, consacrées 100% à sa petite-fille Jade, bientôt suivie de Marine. Les autres jours, quand les parents et grands-parents sont occupés, les enfants sont à la halte-garderie. Un compromis semble avoir été trouvé : Catherine se rend à 100% disponible deux après-midi mais n’est pas 100% grand-mère. François de Singly insiste d’ailleurs sur ce point, en précisant que s’il y a bien une ligne de clivage entre les actifs et les retraités, "même les grands-mères à la retraite ne veulent pas être que grands-mères".


Grand-mère avant l’heure, femme avant tout, Nathalie incarne un nouveau visage de la grand-parentalité. Un rôle qui n’en exclut pas d’autres et qui bouscule quelques clichés sur ce qu’être grand-mère veut dire. Heureusement, Mamie Nova s’en remettra !



* son prénom a été modifié

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