L'obsolescence des femmes au travail : c’est le sujet auquel s’attaque le podcast Plaff, créé par Claire Flury pour faire entendre et combattre les discriminations dans l’emploi auxquelles sont confrontées les femmes à l’approche de la cinquantaine. Ensemble, nous lançons un appel à témoignages pour recueillir les mots de celles qui vivent cette double peine à la première personne. L’occasion de mettre un coup de projecteur sur un défi de taille, dans un contexte où faire travailler les vieux et les vieilles apparaît comme une solution "nécessaire"[1] pour équilibrer les finances publiques.
Le sujet est brûlant. Et pour cause : à l’heure où le recul de l’âge de départ à la retraite est annoncé comme une solution possible voire incontournable pour équilibrer les finances publiques compte tenu du vieillissement démographique, l’emploi de ceux qu’on appelle les "travailleurs expérimentés" est loin de couler de source, a fortiori quand lesdits travailleurs sont des femmes.
Si l’âgisme n’épargne personne, le "double standard"[2] décrit par l’essayiste Susan Sontag affecte particulièrement la vie professionnelle des femmes. C’est ce que dénoncent Esther Malka et Marie-Odile Lhomme, à l’initiative d’Arcé Avenir Femmes, une association œuvrant pour l’inclusion professionnelle des femmes de plus de 45 ans : "les recruteurs ont tendance à voir la femme de plus de 55 ans fatiguée, rigide intellectuellement, obsolète. Soit on ne l’embauche pas, soit on la placardise ou on ne lui propose plus d'offres de formation"[3].
Double standard quand tu nous tiens
Cette réalité est palpable : alors que la France est un des pays dont le taux d’emploi des 55 ans et plus fait partie des plus faibles en comparaison internationale, un rapport du Conseil supérieur de l’Egalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP) souligne que 57% des hommes de 55-64 ans sont en activité, contre 53% des femmes[4].
Autre élément mis en avant dans le rapport pour illustrer la dégradation de la situation des femmes seniors au regard de l’emploi : le fait que la pension de droit direct des femmes soit inférieure de 42% à celle des hommes. Les Nations Unies l’ont d’ailleurs mis en évidence à l’occasion de la publication du premier rapport mondial sur l’âgisme en mars 2021 : les différentes formes de discrimination tendent à se renforcer. Le sexisme et l’âgisme n’échappent pas à la règle.
Travailler plus… pour trimer plus ?
Ce constat est d’autant plus préoccupant dans un contexte où chacun est amené à vivre plus longtemps et potentiellement, à travailler aussi plus longtemps. Sommes-nous condamnées à être des "vieilles pauvres", comme l’appréhende Laëtitia Vitaud dans un de ses articles publié en novembre 2021 par le média Vives sous le titre "Je ne veux pas être une vieille pauvre" ? Ou bien les organisations vont-elles se rendre compte de l’intérêt qu’elles ont à "recruter des vieilles"[5] ?
En 2018 déjà, la DREES s’inquiétait de ces quelque 1,4 million de personnes âgées de 53 à 69 ans[6] qui ne perçoivent ni revenu d’activité ni pension de retraite, qu’elle soit de droit direct ou de réversion. Vous vous souvenez des NEETS, ces jeunes ni en emploi, ni en études, ni en formation ? Je vous présente leur pendant vieux : les NER, des seniors qui n’ont ni emploi, ni retraite. Surprise : il s’agit en majorité de femmes. Elles sont en effet deux sur trois dans ce cas, contre une sur deux chez les 53-69 ans en général. Autre fait alarmant : parmi ces "NER", un tiers vivent en dessous du seuil de pauvreté.
Appel à témoignages
Pour toutes ces raisons, nous lançons avec Claire Flury, fondatrice du podcast Plaff sur la double peine à laquelle font face les femmes dans le dernier tiers de leur vie professionnelle, un appel à témoignages. L’enjeu ? Faire entendre la voix de celles qui ont vécu ce type de discriminations ou ont été confrontées à des stéréotypes sexistes et/ou âgistes à l’occasion de leur recherche d’emploi ou d’une évolution professionnelle. Les témoignages seront mis à l’honneur dans un épisode dédié du podcast à venir prochainement.
Pour témoigner, 3 options :
Par écrit : envoyez un mail à doublepeine.plaff@gmail.com et nous nous chargerons de faire lire votre contribution par une comédienne.
Sur Instagram : envoyez votre témoignage par message vocal à @coupdevieilles ou @plaffpodcast. Attention : votre message sera limité à 1 minute.
Par téléphone : enregistrez-vous avec le dictaphone et partagez l’enregistrement en l’envoyant à doublepeine.plaff@gmail.com.
Le témoignage peut être anonymisé si vous en faites la demande. Nous nous réservons la possibilité de sélectionner une partie des témoignages et d’en diffuser des extraits.
N’hésitez pas à relayer cette initiative auprès de vos proches ou de votre réseau : plus on parlera de ce double standard, plus on sera en capacité d’en venir à bout !
Quelques ressources pour celles ou ceux qui souhaitent aller + loin :
Deux articles de l’excellent média J’ai piscine avec Simone : "A plus de 45 ans, c’est quoi le truc pour être recrutée ?" et "Retraite, vers une paupérisation accrue des femmes seniors ?".
Le replay du webinar J’ai piscine avec Simone du 27 janvier 2022, sur le thème "Grande Démission : une 'opportunité' pour recruter des 'vieilles'".
L’article de Nathalie Louit, consultante RH, relayé sur le site du Huffington Post : "Il y a une vie professionnelle après 45 ans !".
Les résultats du 10ème Baromètre de la perception des discriminations dans l’emploi, dans lequel l’âge et le sexe apparaissent comme les deux premiers motifs des expériences de discrimination liées au travail.
Le livre blanc "Paroles de chômeurs" publié le 25 janvier 2022, qui souligne les difficultés liées à l'âge et surtout aux stéréotypes âgistes rencontrées par les personnes en recherche d'emploi.
Plusieurs acteurs associatifs agissent dans le sens d’une meilleure inclusion professionnelle des femmes après 45 ans. Parmi eux :
Force femmes, une association née en 2005 pour accompagner les femmes de plus de 45 ans au chômage et leur permettre de reprendre confiance.
Arcé – Avenir Femmes, une association née en mars 2020 pour "agir concrètement en faveur de l’inclusion sociétale et professionnelle de la femme séniore".
Action Femmes Grand Sud, une association d’aide aux femmes de plus de 45 ans en recherche d’emploi ou en création d’entreprise, en Occitanie.
Avis à vos commentaires et témoignages, quel que soit votre âge :)
Sources :
[1] "Retraites : la difficile évaluation des effets d’un relèvement de l’âge légal", Le Monde, janvier 2022. https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/01/24/retraites-la-difficile-evaluation-des-effets-d-un-relevement-de-l-age-legal_6110720_823448.html [Consulté le 01/02/2022].
[2] Susan Sontag, “The Double Standard of Aging”, 1972. https://warwick.ac.uk/fac/arts/english/currentstudents/undergraduate/modules/literaturetheoryandtime/susan_sontag_the_double_standard_of_aging.pdf [Consulté le 01/02/2022].
[3] "Femme et senior, double peine sur le marché de l’emploi", Ouest France, août 2021. https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2021-08-20/femme-et-senior-double-peine-sur-le-marche-de-lemploi-0acabea5-a84c-480b-bf6d-86e1ec11bac1 [Consulté le 01/02/2022].
[4] Rapport "Les femmes seniors dans l’emploi - Etat des lieux", Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, juin 2019. https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/les-femmes-seniors-dans-lemploi-etat-des-lieux/ [Consulté le 01/02/2022].
[5] Laëtitia Vitaud, "Pénurie de talents : et si vous recrutiez des 'vieilles' ?", Welcome to the Jungle, novembre 2021. https://www.welcometothejungle.com/fr/articles/rh-penurie-talents-recrutement-vieilles [Consulté le 01/02/2022].
[6] Aurélien D’Isanto, Jérôme Hananel, Yoann Musiedlak, "Un tiers des seniors sans emploi ni retraite vivent en dessous du seuil de pauvreté", Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, septembre 2018. https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications/etudes-et-resultats/un-tiers-des-seniors-sans-emploi-ni-retraite-vivent-en-dessous-du [Consulté le 01/02/2022].
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